SOPHIE CARPENE
PHOTOGRAPHE
DANS LA LUMIERE
ENVAPOREE
Ce matin, la vibration du mur de ma chambre m’a réveillée. Le vent… Le vent d’ouest est de retour. Assez fort pour faire entrer en transe ma vieille maison qui vibre sur ses fondations.
Un paysage de ouate m’attend dehors. La mer dans sa folie a enveloppé l’île de milliards de gouttelettes en suspension qui viennent effacer, estomper les moindres détails, diluer les repères habituels. Tout est là sans y être. La mer, la terre et le ciel fondus en un seul élément.
Il n’y a personne dehors, ou presque, chaque pas est une lutte pour conserver l’équilibre. Les gens sensés restent au chaud au coin du feu, dans des maisons qui courbent l’échine pour résister aux assauts du vent, bien blotties les unes contre les autres.
Je ne suis pas seule à être venue là-bas, au bout du bout du monde…Nous sommes 2 ou 3, médusés, éberlués, tétanisés, par le paysage délirant que peignent dans un moment de démence la mer et le vent sur les rochers du rivage. Un mélange d’admiration de gosse devant un feu d’artifice mêlé d’effroi devant la violence des coups portés. La déflagration des murs de vagues s’éclatant sur les rochers résonne au plus profond de moi et je sens, comme à chaque fois, monter une peur qui enfle, et me bloque le souffle …. Nous ne sommes rien. Cette mer en fusion, aux bouches grandes ouvertes peut à tout moment nous happer et nous engloutir en une fraction de seconde.
Et pourtant, une attirance, une fascination pour cette puissance dévastatrice qui à chaque tempête me ramènent au même endroit…